Un courant électrique de faible intensité permettrait de stimuler les processus conduisant à la cicatrisation de lésions cutanées comme l’ulcère du pied
Environ 15% des personnes diabétiques souffriront d’un ulcère du pied au cours de leur vie. Ce problème, caractérisé par des lésions de la peau qui cicatrisent mal, risque d’entraîner des infections qui peuvent conduire à l’amputation. Les travaux d’une équipe de recherche de l’Unversité Laval, publiés dans le Journal of Tissue Engineering and Regenerative Medicine, suggèrent qu’il serait possible de favoriser la cicatrisation de ces ulcères en ayant recours à des stimulations électriques de faible intensité.
Cette équipe, dirigée par les professeurs Mahmoud Rouabhia, de la Faculté de médecine dentaire, et Ze Zhang, de la Faculté de médecine, en a fait la démonstration en laboratoire à l’aide de cellules cutanées, appelées fibroblastes. «Chez les personnes en bonne santé, les fibroblastes produisent des protéines qui servent de matrice au tissu conjonctif de la peau. Cette matrice permet de reconstituer le derme au niveau de l’ulcère. C’est la première étape du processus de cicatrisation», explique le professeur Rouabhia.
Chez les personnes diabétiques, les fibroblastes parviennent moins bien à proliférer, à migrer et à produire des facteurs de croissance, ce qui expliquerait en partie pourquoi les lésions cutanées cicatrisent plus difficilement, poursuit-il. «À la lumière d’études récentes montrant les effets positifs de l’électricité sur la prolifération et la migration de fibroblastes normaux, nous avons voulu savoir si les mêmes effets pouvaient être obtenus avec des fibroblastes provenant de personnes diabétiques.»
Les chercheurs ont donc cultivé in vitro des fibroblastes prélevés chez des sujets en bonne santé ainsi que des fibroblastes provenant de sujets diabétiques qui avaient subi l’amputation d’un pied. Ces cellules étaient laissées en conditions normales ou soumises à un courant électrique de 20 ou de 40 millivolts/mm. «À ces intensités, les stimulations électriques sont à peine perceptibles lorsqu’elles sont appliquées sur notre peau», précise le professeur Rouabhia.
Les chercheurs ont constaté que des stimulations électriques d’intensité aussi faible n’avaient aucun effet sur les fibroblastes des sujets sains. Par contre, elles ont favorisé la prolifération et la migration des fibroblastes des sujets diabétiques. «Nous avons mesuré un marqueur de prolifération des fibroblastes, la protéine Ki-67, et son niveau était trois fois plus élevé lorque les cellules étaient soumises à une stimulation électrique, souligne le professeur Rouabhia. De plus, la vitesse à laquelle se referme une déchirure pratiquée sur la culture cellulaire était deux fois plus rapide lorsqu’il y avait stimulation électrique.»
Encouragés par ces résultats, les professeurs Rouabhia et Zang ont déposé un brevet pour un appareil de stimulation électrique qui pourrait accélérer la guérison des ulcères. «Il s’agit d’une membrane en forme d’anneau qui est appliquée autour de la lésion, explique Mahmoud Rouabhia. Cette membrane conduit des impulsions électriques produites par une petite pile. Le patient peut porter cet appareil de petite dimension sur lui, et le traitement est dispensé en continu, sans qu’il ait à interrompre ses activités quotidiennes.» Les deux chercheurs tenteront maintenant de préciser les modalités d’utilisation de l’appareil qui donnent les meilleurs résultats pour la cicatrisation.
Est-ce que cet appareil pourrait avoir des applications pour d’autres patients? «Nous avons conçu ce système à l’intention des personnes diabétiques et ce serait déjà une grande satisfaction si nous pouvions améliorer leur qualité de vie. Par ailleurs, il n’est pas impensable que la stimulation électrique puisse aider des personnes qui ne sont pas diabétiques, mais qui ont, elles aussi, de la difficulté à cicatriser. Toutefois, dans leur cas, la démonstration reste à faire.»
Les auteurs de l’étude parue dans le Journal of Tissue Engineering and Regenerative Medicine sont Atieh Abedin-Do, Ze Zhang, Yvan Douville, Mireille Méthot, Julien Bernatchez et Mahmoud Rouabhia. Ils sont rattachés au Groupe de recherche en écologie buccale et au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
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